Et s’ils avaient raison?

Kunstbulletin. Samuel Gross

Zürich. Switzerland

01 November 2006

Depuis quelques jours, un étrange engin vert s’est posé dans un petit square jouxtant l’une des voies pendulaires les plus fréquentées de Genève. Cette structure mi-bricolage, mi-outil technologique, est la réponse des frères Chapuisat à l’invitation lancée par l’association ArtChêne 2006 sur le thème «Migrations». Cette exposition collective parcourt les axes routiers principaux de trois communes genevoises. Ce petit droïde à la structure assez grossière ressemble à s’y méprendre à ceux qui, tirés de nos coffres à jouets, ont empli notre imaginaire d’enfant. Les matériaux de construction les plus simples ont remplacés les briques colorées, mais l’émotion du jeu reste intacte.

Dans un tout autre cadre, celui de la galerie lausannoise Lucy Mackintosh, Gregory (*1972) et Cyril Chapuisat (*1976) avaient bousculé l’usage de la structure qui les accueillait. Au premier étage, l’habituel cadre d’exposition fût réduit par une cloison. Le visiteur devait parcourir l’arrière boutique, les stocks, puis un long couloir délimité par un rideau perforé blanc, au fond duquel une sculpture géodésique de métal était posée. De l’autre coté s’ouvrait un vaste espace, au sol recouvert de coton, dans lequel s’élèvait une montagne en carton à pans géométriques. Le décor d’un rêve de voyage spatio-temporel était ainsi posé.

Une très drôle série de photographie de chiens, rendus monstrueux par simple usage d’un effet de miroir, accompagnait le visiteur jusqu’au sous-sol. Là s’ouvrait un espace de bureau et l’entier du dispositif se compliquait. Sur les tables traînaient des plans, des dessins préparatoires, les outils nécessaires à l’élaboration de l’installation: les traces du montage de l’exposition. Enfin, derrière une pile d’ordinateurs, une échelle permettait d’accéder à l’intérieur de la structure construite à l’étage supérieur. Dans cette petite cabane étouffante et protectrice un aménagement sommaire invitait à la rêverie. Avec astuce, les deux frères nous font croire qu’il suffit de peu de moyens et de savoir-faire pour retrouver la fraîcheur de notre inventivité juvénile.

Ici, comme lors de chacune de leurs interventions (à la salle Crosnier à Genève ou aux bourses fédérales, pour les plus récentes), Gregory et Cyril Chapuisat ne se lassent pas de filer les métaphores de leur mode de vie. En effet, comme en rend compte leur site internet, les deux frères ne se cantonnent pas à une pratique artistique, mais saisissent toutes les structures possibles, à l’image de hackers, pour envahir des espaces interstitiels, proposer et diffuser leurs visions parallèles. Ils se jouent de ces modes de fonctionnement par constellations. Ils conçoivent des environnements minimaux de survie, sorte de nids. Ainsi, ces deux jeunes artistes expérimentent, non sans malice, les projections de certains scientifiques et penseurs utopistes sur notre futur destin spatial.




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