Les frères Chapuisat, pour leur première collaboration avec la galerie Mitterrand, présentent Fragmentation rayonnante d’un esprit errant, un décor étrange pour un récit tout aussi étrange d’où se sont échappés seuls quelques indices épars. Des formes fragmentaires, inaccomplies, comme interrompues dans leur développement. Tel est leur curieux devenir.

Mais cet état intermédiaire, de suspension, est celui aussi où tous les possibles sont réunis. C’est d’ailleurs l’hypothèse avancée par Giorgio Agamben quand il décrit l’indétermination du personnage d’Herman Melville, Bartleby qui ne cesse de répéter « I would prefer not to » : « Rien d’étonnant, donc, à ce qu’il demeure si obstinément dans l’abîme de la possibilité et ne semble pas avoir la moindre intention d’en sortir. » in Bartleby ou la création.

Un peu comme cette boule de mousse tournant sur elle-même au rythme de la rivière que les frères Chapuisat ont filmé pendant plusieurs minutes. Sans avenir, elle maintient en elle la possibilité de tous les chemins. Ou encore cette construction réalisée à partir de tasseaux de bois qui apparaît, non comme une maquette qui contient en elle la forme accomplie de l’édifice, mais comme l’hypothèse suspendue d’une architecture expansive. Parce que, pour citer Gilles Tiberghien, « partir n’a jamais permis d’aller nulle part » in Le principe de l’axolotl. Fragmentation rayonnante d’un esprit errant énonce ainsi la possibilité d’une errance immobile, où partir, c’est toujours revenir, à l’image des centaines de cercles dessinés simultanément sur la mur de la galerie. « I would prefer not to », « I would prefer not to », « I would prefer not to », « I would prefer not to », etc.

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